ROBOTS : PREMIERS LICENCIEMENTS POUR INSUFFISANCE PROFESSIONNELLE !
La robotisation du monde du travail a toujours été un sujet passionnant. Et dramatique si l’on en croit les titres accrocheurs des articles promettant des révolutions. Cependant les projets qui se concrétisent en entreprise et sur lesquels nous intervenons sont loin de ce romantisme technophile. Le « licenciement » de robots dans un hôtel japonais nous donne l’occasion de faire le point.
3ème RÉVOLUTION INDUSTRIELLE : ENTRE RÊVE ET CAUCHEMAR
Notre métier est à la fois la source de notre pain quotidien, et l’un des fondements de notre identité. Aussi, quand il est question qu’il disparaisse, ou se transforme, il est légitime de s’inquiéter. La mécanisation, et les progrès technologiques en général, ont déjà fait disparaître les portiers, les dactylos, ou les releveurs de compteurs. Alors, comment ne pas s’interroger sur les conséquences de la robotisation, ou de l’intelligence artificielle ?
C’est à partir des années 2010 que les grands éditeurs informatiques ont commencé à convaincre leurs clients que leurs outils étaient prêts à faire plus que gagner aux échecs, et pouvaient remplacer des pans d’activité salariée ; cela grâce à des logiciels anthropomorphisés : réseaux de neurones, logiciels apprenants, intelligence artificielle, solutions cognitives…
Qu’un outil puisse supplanter bêtement l’homme nous paraît évident tant nous sommes dépendants des appareils qui nous entourent et habitués à la marche du progrès technique. Mais que la machine se substitue non plus seulement à notre corps, mais aussi à notre raisonnement, et qu’au passage on l’humanise, et voilà toutes les limites à notre remplacement qui disparaissent !
LE ROBOT EST-IL UN HOMME COMME UN AUTRE ?
Alors où en sommes-nous après plusieurs années de déploiement de ces logiciels « révolutionnaires », après que certaines études sont allées jusqu’à nous prédire la disparition de la moitié des emplois en 20 ans ?
Pour répondre, regardons les projets concrètement mis en œuvre dans les entreprises en France, projets par ailleurs très suivis par les représentants du personnel, attentifs aux impacts sur les perspectives d’emploi.
Après une vague de projets exploratoires d’ambition modérée autour de l’intelligence artificielle, plutôt dans les services et notamment dans la banque, nous n’avons rien vu. Pas de phase 2 révolutionnaire. Pas de projets de nouvelle ligne de production 4.0 entièrement connectée avec recrutement de data analysts. Alors oui, la technologie « réseau de neurones » a des bénéfices. Elle améliore par exemple la détection de défauts par caméra. Mais en faisant cela, elle se contente d’apporter un gain incrémental à une technologie existante et s’insère dans la longue chaîne du progrès technique.
APRÈS LES FANTASMES, LA RÉALITÉ
Pour autant les changements profonds du monde du travail existent. Simplement ces dernières années, ils ont eu plus à voir avec l’irruption de nouveaux acteurs, d’intermédiaires, ou à l’évolution de modes de consommation portés par la digitalisation, qu’à l’émergence de l’intelligence artificielle.
À l’inverse, derrière les communications huilées des grands groupes qui mettent peu en avant les échecs, nous voyons parfois poindre des exemples d’expériences ratées, car s’appuyant trop sur l’automatisation. Tel le constructeur automobile américain Tesla dont les problèmes de production en 2018 sont liés à la sur-robotisation de ses usines, ou tel cet hôtel japonais qui après avoir ouvert en grande pompe en 2015 vient de licencier ses robots de chambre incapables de trouver toutes les portes, ou qui réveillent les clients au milieu de la nuit parce qu’ils confondent ronflement et commande vocale.
Ainsi, en tant qu’experts des conditions de travail des humains, pour 2019 nous vous invitons à rester prudents et pragmatiques dans votre analyse des projets de nouvelle technologie ou d’automatisation, et à vous méfier des postures technophiles de directions volontaristes.
Et sinon, bien fait pour les robots !