«TÊTE A CLAC »
Lorsqu’il entend qu’il va falloir « redonner le pouvoir aux gens, tant au sein de l’atelier que des bureaux », le patron tousse un peu. Puis il prend la parole. « Nous entrons enfn dans le 3e millénaire, dit-il. Tous nos concurrents sont déjà passés au lean, et nos clients nous demandent de sauter le pas. Il est temps que les équipes se focalisent sur la performance et que nous libérions les énergies ». Puis il ajoute que l’entreprise touchera une subvention accordée par la région, dans le cadre du programme « vive la productivité 2020 », ce qui provoque le sourire du Directeur Financier, un homme pourtant peu démonstratif.
La réunion se termine par le traditionnel tour de table. Chaque directeur de service se félicite de l’opportunité d’être un « acteur proactif » du projet qui se dessine et auquel il ne manque plus qu’un nom. La proposition du cabinet CLAC est adoptée par acclamation, ce sera « tous ensemble vers l’excellence 2020 », ou « TEVE20 » par goût de l’acronyme. L’ordre du jour est épuisé, chacun se retire dans son bureau.
Le lean n’est pas une mode, c’est une vague de fond, entretenue par un discours marketing puissant. Le lean serait en effet la méthode de travail la plus moderne, la plus participative, et aux résultats les plus spectaculaires pour la productivité des entreprises et des administrations. Les pouvoirs publics (Régions, Ministères et même certaines DIRRECTE) encouragent son déploiement. Les entreprises sont parfois sommées par leurs donneurs d’ordre de réaliser leur « transformation lean ». Pour ce faire elles font appel à des cabinets de consultants qui ont pignon sur rue et qui leur promettent des gains de productivité rapides à moindre coût.
DANS LE PROCHAIN EPISODE : ENTRE LE MARTEAU ET L’ENCLUME
Roger est représentant du personnel au CHSCT et il se demande bien ce qu’il est venu faire dans cette galère.