LES CE/CSE ET L’URSSAF : CONNAÎTRE LES TENDANCES DU MOMENT POUR MIEUX ANTICIPER LES RISQUES
Mise en place des premiers CSE, préparation des budgets et des prochaines activités nous donnent l’occasion de revenir sur les risques URSSAF des activités des CE/CSE dans un contexte d’évolution constante de l’appréciation de l’activité sociale par le législateur.
LA TOLÉRANCE ADMINISTRATIVE D’EXONERATION DE COTISATIONS REGULIEREMENT REMISE EN CAUSE
Une jurisprudence supplémentaire réaffirme l’assujetissement de toutes les prestations servies par les comités d’entreprise. En effet, une fois de plus, la Cour de Cassation, dans son arrêt du 30 mars 2017 confirme les positions antérieures qui assujettissaient à cotisations toute forme de rémunération ou avantage en argent ou en nature y compris celles entrant dans le champ des œuvres sociales :
« Pour le calcul des cotisations de Sécurité Sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature… »
Seule une tolérance administrative permet quelques mesures d’assouplissement quant à cette application très restrictive. Il en est ainsi pour les bons d’achat n’excédant pas au cours d’une année, et par bénéficiaire, 5% du plafond mensuel de la Sécurité Sociale, pourcentage toujours en vigueur à ce jour.
Ainsi, une politique d’œuvres sociales en adéquation avec les préconisations de l’URSSAF (liste des évènements, plafonds, critères d’octroi…) permet de bénéficier de cette tolérance. Cependant, le risque demeure de voir ce bénéfice remis en cause par les tribunaux ou les gouvernements successifs comme on a pu le constater fin d’année 2018.
LE RISQUE D’UNE TAXATION FUTURE ?
En effet, juste avant les dernières élections présidentielles et au moment de l’élaboration de la loi de financement de la Sécurité Sociale de 2017, l’idée d’un plafond d’exonération par salarié et par an a émergé, faisant craindre un coup d’arrêt significatif à ce principe de tolérance.
Il avait été suggéré par les services de Michel Sapin de soumettre à cotisations sociales les œuvres proposées par les comités d’entreprise, les avantages versés aux salariés étant considérés comme une « niche sociale ». Les enjeux financiers autour de ces recettes sociales non perçues sont désormais des variables d’ajustement budgétaires, le gouvernement estimant à 1,4 milliards d’euros de cotisations sociales échappant à sa collecte sur une année (évaluation 2007).
Avec un plafond de 5 % de la Sécurité Sociale, soit 161 € en 2016, l’idée était de soumettre à cotisations sociales, toutes prestations confondues supérieures à 322 € alloués annuellement. De quoi freiner significativement les ambitions sociales des comités d’entreprise et la croissance des secteurs dédiés aux vacances et aux loisirs.
Fin 2018, un député a défendu un amendement dans le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2019 pour « sécuriser » les tolérances administratives. Il prévoyait que les aides soient assujetties à des cotisations à partir d’un certain seuil, variable suivant les cas : par exemple 331 euros par an et par personne.
Face aux critiques de plusieurs députés, des syndicats et des professionnels du tourisme, le gouvernement avait finalement renoncé à cette taxation.
Plus que jamais, la vigilance est de rigueur dans la gestion des prestations proposées aux salariés bénéficiaires et dans la construction d’une politique sociale dynamique et volontaire.
UNE ÉVOLUTION DES MOTIFS DE REDRESSEMENT : LA DISCRIMINATION
Contrairement aux idées reçues, plus que le dépassement du plafond bien connu des gestionnaires de comités, le principal motif de redressement par les services de l’URSSAF tend à s’orienter vers le non-respect d’un principe fondateur de l’œuvre sociale : la non-discrimination.
Cette notion de non-discrimination étant appréciée diversement par les équipes d’élus en gestion (critère d’ancienneté, catégories socio-professionnelles, présence effective au moment de la tenue de la prestation notamment), c’est sur la base d’un rappel du Défenseur des droits que l’Urssaf a réorienté ces dernières années la piste de ses contrôles et recherches.
PASSAGE EN CSE – LES POINTS DE VIGILANCE
Rappelons que c’est l’employeur qui reçoit la notification du contrôle et la lettre d’observations des contrôleurs. Le nouveau cadre de la représentation du personnel ne modifiera pas ces pratiques et c’est toujours l’entreprise qui reste juridiquement redevable du redressement. La question se pose de la responsabilité du CSE au regard des prestations qui auraient été redressées de l’ancien comité d’entreprise ?
En ce qui concerne les comités d’entreprise employeurs, le comité d’entreprise est directement contrôlé par les services de l’URSSAF. En cas de redressement du CE et de transfert des contrats de travail au CSE, la continuité des instances s’appliquant, les services de l’URSSAF pourront sanctionner la nouvelle instance.
Relativement au transfert de résultat entre budgets autorisé dans le nouveau cadre légal, c’est à l’Inspection du travail de se saisir des sujets concernant le non-respect de la séparation budgétaire tout au long de l’exercice. Les contrôleurs URSSAF pourront toutefois demander au CSE la délibération adoptée en séance plénière qui aura décidé du transfert de reliquat.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Vous avez un doute sur le lancement d’une nouvelle activité ou vous voulez vous faire confirmer les pratiques en cours ? N’oubliez pas le rescrit social. Ce dispositif permet au comité d’obtenir une position explicite de son organisme de recouvrement sur l’application de la règlementation relativement à une situation concrète. L’URSSAF dispose d’un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande complète a été reçue pour notifier au CE sa réponse. L’intérêt d’une telle démarche ? La position de l’URSSAF est opposable à d’éventuels redressements ou régularisations futures.
La loi généralise désormais la médiation dans les URSSAF. Il s’agit d’une voie de recours complémentaire à celles existantes avec pour objectif de faciliter la résolution des conflits entre les organismes de recouvrement et leurs usagers, en amont de toute procédure précontentieuse ou contentieuse.
Il sera possible de présenter les réclamations devant le médiateur après avoir fait une première démarche auprès de l’URSSAF mais sans avoir encore formulé un recours contentieux. Il s’agit donc d’une voie de résolution des conflits alternative aux autres voies de recours (saisine de la commission de recours amiable, recours contentieux devant le tribunal des affaires de Sécurité Sociale, transaction avec le directeur de l’URSSAF, etc.). Rien n’empêchera ensuite le cotisant de décider à tout moment d’utiliser l’une de ces voies de recours.
Le médiateur formulera, auprès du directeur ou des services de l’organisme, des recommandations pour le traitement des réclamations dont il est saisi, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
L’engagement d’une médiation suspendra les délais de recours prévus pour les réclamations en cause jusqu’à ce que le médiateur ait communiqué ses recommandations aux deux parties.
CONCLUSION
L’évolution constante du cadre législatif et réglementaire fait de l’appréciation du risque URSSAF par le CE/CSE un enjeu important. Il nécessite avec l’appui de l’expert comptable, de concevoir en amont une offre ASC dans les limites des tolérances administratives.
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