CRISE SANITAIRE ET ÉCONOMIQUE :
FORT ENDETTEMENT DE L’ÉTAT ET DES DÉGÂTS SOCIAUX DURABLES, MAIS LES GRANDES ENTREPRISES FRANÇAISES S’EMPRESSENT DE RENOUER AVEC LES DIVIDENDES
Un fort rebond de la croissance en 2021 et 2022…
En France, la crise sanitaire a provoqué une chute du PIB de 8 % en 2020. Toutefois, la reprise est rapide. En effet, selon la Commission européenne, la croissance du PIB devrait être de 4,3 % dans la zone euro en 2021 puis de 4,4 % en 2022.
Par rapport aux précédentes grandes crises économiques mondiales, l’impact de la crise sanitaire serait ainsi relativement limité : entre 1929 et 1932, le PIB avait perdu 17 %. Après la crise de 2008, il avait fallu huit ans pour retrouver le niveau d’avant la crise.
… Grâce au soutien massif de l’État
Dans le contexte de la crise sanitaire, le gouvernement français, comme d’autres, a adopté des mesures d’ampleur inédite pour lutter contre la récession. Cela s’est traduit d’abord par des mesures de soutien à l’économie pendant les périodes de confinement et de fermeture des commerces :
- Fonds de solidarité et compensation des frais fixes jusqu’à 70 % pour les entreprises fermées administrativement
- Garantie des prêts l’État octroyés par les banques aux entreprises jusqu’à 300 Mds €.
- Reports de charges fiscales et sociales (27 Mds € fin 2020).
- Prise en charge du chômage partiel par l’État et l’UNEDIC.
La prise en charge du chômage partiel aura coûté 27 Mds € à l’État et à l’UNEDIC pour l’année 2020, et aurait permis de préserver 1,4 million d’emplois en ETP. Pour 2021, le coût de l’activité partielle pourrait être de 10 Mds €, pour préserver 500 000 emplois en ETP .
Les mesures d’urgence et de soutien mises en œuvre en France face à la pandémie auront conduit à un fort accroissement du poids de la dette publique en 2020.
D’après la Banque de France, le ratio de dette publique/PIB a progressé de + 18,1 points en 2020.
Avec des résultats probants en termes de défaillances d’entreprises
L’ensemble des mesures a permis de préserver la trésorerie de beaucoup d’entreprises et aura permis d’éviter de nombreuses faillites, en tout cas en 2020.
En effet, en France, le nombre de défaillances d’entreprises n’a jamais été aussi bas.
En Europe, près de 360 milliards d’euros de crédits aux entreprises profitaient d’un moratoire au troisième trimestre 2020 et 290 milliards bénéficiaient d’une garantie de l’État, ce qui a permis d’éviter une importante vague de faillites, qui se seraient propagées sur l’ensemble de l’économie, l’emploi et le système bancaire.
Les grandes entreprises s’empressent de rétablir leurs versements de dividendes dès cette année
L’action de l’État a bien permis de limiter les dégâts immédiats de la crise sanitaire. De nombreuses entreprises ont bénéficié de l’argent public, alors même qu’elles avaient les ressources suffisantes pour résister à la crise.
Pour limiter les effets d’aubaine, les aides l’État étaient conditionnées au fait de ne pas verser de dividendes aux actionnaires.
- De fait, les dividendes en 2020 ont fortement chuté pour les entreprises françaises : – 49 % par rapport au niveau record de l’année 2019.
- Mais dès 2021, elles devraient être en forte hausse et rattraper leur niveau de 2019 dès 2023. La reprise des versements de dividendes est d’autant plus surprenante qu’elle correspond aux résultats des entreprises de l’année 2020.
Plus de la moitié des valeurs de l’indice SBF 120 ont rétabli, voire relevé, leur dividende en 2021.
Parmi les grandes entreprises françaises, LVMH, L’Oréal ou Total ont décidé de verser des niveaux de dividendes au moins égaux à ceux d’avant la crise. Ainsi, le groupe Total a décidé de verser 7 Mds € de dividendes en 2021, malgré une perte nette part du groupe de 6,5 Mds € en 2020.
Les grandes banques françaises ont rétabli les dividendes en 2021, à un niveau inférieur à 2019 pour BNP Paribas et Société Générale, alors que Crédit Agricole devrait verser un dividende supérieur à celui 2019.
Au niveau mondial, les prévisions tablent sur un niveau de dividendes en hausse en 2021, pour atteindre un niveau proche de celui de 2019.
La crise laissera des traces profondes et durables sur les catégories les plus fragiles
Alors que bon nombre d’entreprises s’empressent de rétablir leurs dividendes, que l’action massive des États a permis de limiter les faillites et une hausse brutale du chômage, il n’en reste pas moins que des dégâts durables sont à prévoir sur l’économie et que la sortie de crise est une période à haut risque.
La trésorerie des entreprises a été préservée, mais l’endettement financier des entreprises a fortement augmenté, ainsi que les dettes fiscales et sociales.
Au-delà des chiffres qui montrent un net rebond de l’activité économique en 2021, les entreprises devraient voir leurs bilans se dégrader de 20 Mds en 2021, après 70 Mds en 2020, malgré les dispositifs exceptionnels de crise.
L’OFCE prévoit que c’est en 2021 que le risque d’une vague de faillite est important, à moins d’un nouveau plan de relance massif de l’État.
Malgré les mesures de protection de l’économie, et un certain optimisme du côté des actionnaires des grandes entreprises françaises qui voient le revenu de leur patrimoine revenir rapidement à la « normale », les traces de la crise seront plus profondes pour certaines catégories de la population, notamment les plus fragiles :
- L’emploi est attendu en baisse en 2021, ce qui conduira à une hausse du taux de chômage, qui pourrait atteindre près de 10 % en moyenne annuelle en 2021 ,
- avec un impact durable sur la pauvreté : une étude l’OFCE montrait qu’une hausse de 100 chômeurs pendant une crise économique conduit à une hausse de 43 personnes en dessous du seuil de pauvreté et de 22 allocataires du RSA cinq ans plus tard.
- L’impact est sensible en particulier sur le chômage des jeunes et les femmes, qui occupent davantage d’emplois précaires et sont toujours les premières victimes de la crise économique.
Alors que la solidité à moyen terme des entreprises est loin d’être assurée, notamment lorsque les reports de charges et les emprunts arriveront à échéance, de nombreuses grandes entreprises ont fait le choix de supprimer des postes et de renouer rapidement avec les versements de dividendes, comptant sur l’action de l’État pour relancer l’économie et compenser les dégâts sociaux.