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CONDITIONS DE TRAVAIL

CONDITIONS DE TRAVAIL

« EXTENSION DES HORAIRES D’OUVERTURE DANS LA DISTRIBUTION :
QUI PASSE À LA CAISSE ? »

Dans le domaine de la distribution, nous assistons à une « course à l’échalote » en matière d’extension des horaires d’ouverture. C’est à qui fermera le plus tard afin de capter le plus de parts de marché. Dans le cadre de ces nouveaux modes de consommation, clients et salariés sont les deux faces d’une même pièce. Quand l’un semble ravi de faire ses emplettes à des heures avancées du jour voire de la nuit, l’autre voit sa qualité de vie professionnelle et personnelle impactée. Chacun y va de ses arguments pour justifier ou dénoncer l’extension des horaires d’ouverture. Volontariat, conditions de travail, pouvoir d’achat et vie privée… Qui dit vrai ?

QUAND LE VOLONTARIAT SE CONJUGUE À L’IMPÉRATIF

À toutes les inquiétudes des élus et des salariés, les directions se réfugient derrière « le volontariat ». La nouvelle « formule magique » pour accroître les horaires d’ouverture des magasins. Mais les salariés sont-ils réellement volontaires ?

LE VOLONTARIAT PEUT-IL ÊTRE À L’ABRI DU LIEN DE SUBORDINATION DU CONTRAT DE TRAVAIL ?

Dans un contexte de précarisation de l’emploi, sur des postes peu qualifi és, il est légitime de douter de la capacité d’un salarié à refuser l’appel à volontariat. Le collaborateur pensera certainement, et à raison que son acceptation ou son refus infl uencera à terme ses relations futures avec sa hiérarchie et ses collègues de travail. Le « non-volontaire » arc-bouté sur des horaires diurnes, pour des questions de qualités de vie ou tout simplement de contraintes familiales, pourra craindre à juste titre un coup d’arrêt à son évolution de carrière.

Les femmes en charge de famille risqueront d’être encore un peu plus stigmatisées par la hiérarchie et par leurs collègues sans enfant, ces derniers n’ayant pas vraiment d’excuse à opposer à la direction pour refuser un volontariat.

Le lien de subordination, à notre sens, sera plus fort encore pour les cadres et les agents de maîtrise en matière de volontariat. Ceux-ci pourront-ils refuser d’effectuer des fermetures de magasin, dans la mesure où cette tâche relève de leur fonction ? Comment obtenir le volontariat des salariés qui sont sous leurs ordres, si eux-mêmes ne s’y soumettent pas ?

LES CONTREPARTIES FINANCIÈRES : RÉEL COUP DE POUCE AU POUVOIR D’ACHAT OU MIROIR AUX ALOUETTES ?

Certaines directions allouent une majoration de la rémunération horaire aux salariés qui effectuent ces horaires atypiques et décalés. Dotés d’un faible pouvoir d’achat, ceux-ci peuvent être vite enclins à accepter une dégradation de leurs conditions de travail et de leur vie privée pour quelques euros de plus sur la fiche de paye. La contrepartie financière est-elle suffi sante pour compenser les sacrifices personnels et professionnels consentis par le salarié ? C’est la question à laquelle doivent tenter de répondre les élus lorsqu’ils sont consultés sur ce sujet.

EXTENSION DES HORAIRES DE TRAVAIL, LES SALARIÉS EN PAYENT LE PRIX FORT

Les salariés qui réalisent les fermetures en soirée dans le commerce en payent vite le prix en termes de conditions de travail et de qualité de vie.

Ils se voient privés de la pratique d’une activité de loisir ou tout simplement d’un temps partagé avec leurs proches. La conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée des salariés est alors la grande perdante de l’extension des horaires d’ouverture. La fatigue s’accroît avec des temps de trajet sensiblement allongés du fait de la moindre fréquence des transports en commun le soir. Le retour à domicile tardif s’accompagne d’un repas et d’un coucher tout aussi tardifs, ce qui impacte directement la qualité du sommeil.

La désynchronisation des temps sociaux entre les parents et les enfants entraîne un cortège de conséquences négatives que chacun pourra mesurer à l’aune de sa structure familiale. Les sociologues le savent, les discordances des emplois du temps tendent à s’accompagner d’une altération de la qualité des relations familiales et sociales.

PREMIER PAS VERS LA PÉNIBILITÉ DU TRAVAIL DE NUIT

Les marchés ont vocation depuis longtemps à être actifs 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Les lieux de consommation quant à eux se doivent de plus en plus d’étendre le spectre des possibles et le champ des sollicitations pour gagner la lutte acharnée des parts de marché dans le contexte d’une concurrence intensifiée.

La satisfaction client passe par la dégradation de la qualité de vie des salariés au bénéfice d’un hypothétique gain de part de marché.

Les études menées autour du travail de nuit et de ses conséquences ont permis d’identifier les effets néfastes sur la santé1 des salariés qui y sont soumis, parmi lesquels : sommeil de moindre qualité, fatigue chronique, troubles digestifs, augmentation des risques cardio-vasculaires, affaiblissement des défenses immunitaires, en lien avec la faible exposition à la lumière, conduisant à un déficit de mélatonine, perturbation des rythmes biologiques, tendance au surpoids, usure prématurée, etc. La liste des conséquences néfastes sur la santé du salarié est longue.

La mise en œuvre de ces nouvelles pratiques horaires est soumise à la consultation des instances CHSCT et CE. Dans ce cadre, nous ne saurions que trop recommander aux élus d’être accompagnés. Les experts CHSCT mesurent les impacts sur les conditions de travail de ces projets et proposent des remises à plat organisationnelles afin d’identifier des mesures compensatoires équitables et ayant pour visée de parer toute dégradation des conditions de travail.

Le plus souvent, les expertises CHSCT incitent les directions à penser le déploiement des projets au plus près de ce que vont vivre les salariés.

Il s’agit également d’éclairer les projets sur les impensés des directions (modalités de remplacement de l’absentéisme sur ces horaires…) parfois promptes à décliner leur stratégie sans la passer au prisme de la santé au travail. Le but est d’étendre le pouvoir des salariés face aux logiques marchandes d’extension et de flexibilité du temps de travail.