SYSTÈMES DES RETRAITES :
ÉTAT DES LIEUX AVANT LA PROCHAINE RÉFORME
Nous profitons de cette rentrée sous le signe d’une nouvelle réforme des retraites, pour dresser un état des lieux exhaustif du système des retraites. Depuis 1993, quatre réformes successives ont déjà été mises en place et ont déjà produit leurs effets. Courte rétrospective.
20 ANS DE RÉFORMES SUCCESSIVES QUI ONT CHANGÉ EN PROFONDEUR LES ACQUIS LIÉS À LA RETRAITE
LA LOI DU 22 JUILLET 1993 Modification des bases de calcul de la pension de vieillesse :
- La durée d’assurance exigée pour une pension à taux plein passe de 37,5 à 40 ans ;
- le nombre d’années prises en compte pour le calcul du salaire annuel moyen a été progressivement augmenté : passage des 10 aux 25 meilleures années ;
- Indexation sur les prix et non sur les salaires
LA LOI PORTANT RÉFORME DES RETRAITES DU 21 AOUT 2003
Modifi cation en profondeur du calcul de la retraite :
- la durée de cotisation nécessaire augmente à nouveau, soit 41 ans ;
- un assouplissement du cumul emploi retraite ;
- la surcote en cas de poursuite d’activité après 60 ans ;
- une possibilité de départ anticipé à la retraite (avant 60 ans) pour les personnes ayant une longue carrière ;
- la possibilité de racheter des années d’études et des années incomplètement validées.
LA LOI DU 9 NOVEMBRE 2010 PORTANT RÉFORME DES RETRAITES
Nouveau recul de l’âge de départ à la retraite
Cette réforme est allée encore plus loin avec le report de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et celui de l’obtention automatique du taux plein à 67 ans.
LA LOI DU 20 JANVIER 2014
Augmentation de la dure d’assurance requise
Cette loi a pour sa part acté d’une augmentation progressive de la durée d’assurance requise pour une retraite à taux plein.
Ces deux dernières lois ont eu un impact sensible sur le montant des pensions. À titre d’exemple, les personnes nées en 1970 verront leur pension amputée de 5 % par l’effet des lois de 2010 et de 2014.
Au fi nal, toutes ces réformes confondues ont eu pour effet de rallonger le temps de cotisation, de réduire le montant des pensions versées et de reculer l’âge de départ, ce qui a déjà eu un effet sur les régimes des retraites.
LES RÉGIMES DES RETRAITES NE SONT PAS DÉSÉQUILIBRÉS, ILS SONT MÊME BÉNÉFICIAIRES DEPUIS TROIS ANS
Des déclarations successives des responsables politiques sur les « privilèges » des retraités et sur les défi cits des régimes de retraite pourraient faire croire à une situation de quasi-faillite. Il n’en est rien.
La branche retraite est même excédentaire sur les trois dernières années. En effet, les dernières réformes ont sensiblement diminué les pensions versées. Si le pouvoir d’achat des retraités est plus élevé que celui de l’ensemble de la population, selon un récent document du Conseil d’orientation des retraites, c’est surtout l’occasion pour eux de faire jouer la solidarité intergénérationnelle. Les grands-parents consacrent ainsi 2 350 euros par an pour leurs petits-enfants. Cette génération « pivot », prise entre enfants, petits-enfants et vieux parents, s’en sort tant bien que mal. Les retraités assurent les liens entre trois à quatre générations.
Par ailleurs, l’âge de départ effectif à la retraite recule déjà fortement.
LE SYSTÈME DE RETRAITE PAR CAPITALISATION N’EST PAS MEILLEUR QUE CELUI PAR RÉPARTITION
En France, le système de retraite est fi nancé par répartition. Ce sont les revenus du travail qui assurent le fi nancement des pensions des retraités actuels. Ce système est plutôt bien fi nancé.
Il n’empêche, les craintes sans cesse agitées sur la pérennité de notre système de retraite vont de pair avec la promotion des systèmes par capitalisation, censés être plus pérennes, car préfi nancés. Ce n’est certainement pas un hasard si l’ordonnance de la loi Pacte promeut l’épargne retraite par capitalisation en tant que socle de constitution d’une retraite individuelle qui pourrait bientôt devenir le troisième pilier de notre système de retraite, avec la retraite de base et la retraite complémentaire.
En réalité, la capitalisation est moins efficace et plus aléatoire que la répartition.
Pour s’en convaincre, il suffit de voir les scandales successifs des caisses de retraite privées ou d’entreprises aux États-Unis qui dépendent de l’évolution, extrêmement volatile, des marchés financiers et non de la croissance des salaires, comme en France. Ainsi, le système de retraite de General Electric est-il sous-financé à hauteur de 30 milliards de dollars. Cela veut dire que les retraités de General Electric n’auront droit pour leur retraite qu’à une fraction de ce qu’ils étaient censés recevoir.
Le phénomène de vieillissement global des populations est un vrai sujet, mais il est prévisible, et peut être pris en compte par notre système par répartition.
Le phénomène du vieillissement a d’abord concerné les pays développés, puis s’est rapidement étendu à l’ensemble de la planète. La part des plus de 60 ans dans la population mondiale devrait passer de 12 % à 22 % entre 2015 et 2050 (OMS).
Les principales causes sont connues : baisse de la fécondité d’une part, et hausse de l’espérance de vie d’autre part. Selon l’ONU, l’espérance de vie moyenne de l’humanité pourrait passer de 70 ans en 2010-2015 à 77 ans en 2045-2050. L’Europe de l’Ouest, l’Amérique du Nord et le Japon ont été les premiers à connaître ce phénomène, rejoints rapidement par les pays en voie de développement. Ces évolutions sont cependant lentes et prévisibles. Les besoins de fi nancement liés ne dépendent pas du seul critère démographique. Le taux de croissance, les gains de productivité et le taux d’activité sont des critères tout aussi déterminants dans l’évolution des besoins.
RÉFORME DES RETRAITES 2019
CE QUI SE PRÉPARE : UNE RÉFORME RÉELLEMENT SYSTÉMIQUE
Le Gouvernement prépare sa réforme sur la base du rapport de Jean-Paul Delevoye qui s’appuie sur un principe central :
le système à « points ». Les cotisations retraite versées chaque mois par les salariés et leurs employeurs serviraient à acheter des points, qui s’accumuleraient et seraient convertis en pension au moment du départ en retraite.
Si le gouvernement promet une meilleure visibilité et une lecture en temps réel des points accumulés, rien n’est dit sur l’impact sur les carrières intermittentes.
Surtout, si le calcul des points promet d’être transparent, il n’en va pas de même pour sa valeur, qui est quand même le nerf de la guerre. Elle n’est pas connue et sa revalorisation n’est garantie par aucun mécanisme. Comment va-t-elle évoluer ? En fonction de l’inflation, des salaires, de la productivité, de l’espérance de vie ? Et qui en décidera ?
Le rapport préconise également un âge pivot à 64 ans, mais le Gouvernement semble prêt à ne pas le mettre en œuvre sous la pression des syndicats.
Affaire à suivre.